Allocution BIL Woman Business Manager of the Year 2017

(Discours prononcé le 27 avril 2017)
Mesdames, Messieurs,

Encore un homme sur scène ! Navré de cet état de fait, mais il faut admettre que l’UEL reste un club très viril, malgré l’arrivée dynamisante de Marie-Hélène Massard au conseil d’administration il y a un peu plus d’un an. Ce soir, vous auriez normalement dû voir un autre homme en la personne de Jean-Jacques Rommes, notre administrateur-délégué et membre du jury, mais il avait une autre obligation et m’a prié de vous présenter ses excuses. Il nous rejoindra peut-être un peu plus tard. L’UEL, club d’hommes disais-je, n’est en fait que le triste reflet de nos entreprises en la matière. Il y a peu de femmes cheffes d’entreprise au Luxembourg : 15% en 2015 d’après l’OIT pour ce qui est des femmes à des postes de direction. Et donc statistiquement, elles sont moins représentées au sein des organisations patronales.

CQFD. Voilà pour le constat que nous faisons tous, tout le temps. C’est très bien, mais comment faire des progrès ? L’UEL et l’INDR sont d’accord sur le principe qu’il faut changer les choses. Elles encouragent toutes les bonnes pratiques des entreprises en la matière p.ex. le Female Board Pool. Elles cherchent à ce que les entreprises exemplaires soient mises en valeur et partagent leurs expériences avec les autres. Le Label ESR – Entreprise Socialement Responsable, décerné par l’INDR - est ainsi un outil qui permet d’intégrer la RSE à la stratégie de l’entreprise. Mais l’UEL ne s’est actuellement pas encore penchée sur une série de mesures qu’elle pourrait proposer au gouvernement pour concrétiser ce changement. Ceci vous épargne donc un discours programmatique et revendicatif de ma part, c’est votre jour de chance.

Nous avons évidemment toute une série de mesures possibles en stock que nous devons analyser et discuter avec nos experts qui, je vous rassure, sont majoritairement des femmes.

Par exemple : Quotas ou pas quotas ? Vous avez raison, ne gâchons pas la soirée avec ce débat rebattu depuis des années.

Ou mettre en place un groupe de réflexion alors ? c’est en cours avec le Gender Diversity Lobby ou le Think Tank Equilibre. L’UEL et l’INDR y participent activement.

Non, cette soirée étant dédiée à l’entrepreneuriat innovant en général et à l’entrepreneuriat au féminin en particulier, je vais me concentrer arbitrairement sur ces deux aspects.

Commençons par l’entrepreneuriat innovant et par une platitude : l’entrepreneuriat est vital pour notre économie, car il est le premier pourvoyeur d’emploi. Comme le disait par exemple une campagne de pub chez nos voisins français : l’artisanat, première entreprise de France. Et cela est vrai pour toutes les PME et pour le Luxembourg dont 95% des 35.000 entreprises comptent moins de 50 employés.

Il est donc indispensable de créer un maximum d’entreprises pour dynamiser la création d’emploi entre autres. Quel est alors l’apport de l’entrepreneuriat innovant ? C’est un entrepreneuriat qui bouleverse les habitudes établies, les « on a toujours fait comme ça », qui brise les rentes et qui souvent fait évoluer son secteur, voire l’économie vers un nouvel équilibre.

Certaines entreprises innovantes durent et ont construit des empires : Google, Apple… D’autres entreprises innovantes ont bouleversé leur secteur et ont explosé en plein vol. Qui se souvient encore de Napster qui a préparé le terreau pour iTunes et pour les plateformes de streaming ? Ils n’ont pas su pivoter à temps pour rendre leur modèle légal, mais ils ont changé le monde de la musique. Ou encore Uber qui commence à sentir la réaction de son secteur d’activité et qui risque de périr ou de devenir une entreprise parmi d’autres sur le transport de personnes ? L’entreprise innovante, c’est souvent, chacune à son échelle, le coup de vent qui fait tomber les arbres malades, ce qui permet aux autres de se renforcer. En ce sens, l’entrepreneuriat innovant a aussi un rôle presque hygiénique dans l’économie. Les lauréates de ce soir, ainsi que toutes les candidates, jouent donc un rôle essentiel pour le bien de tous et il nous faut les remercier de prendre tous ces risques et leur souhaiter plein succès.

Concernant ensuite l’entrepreneuriat au féminin, il y a un point que je souhaiterai mettre ne exergue. Un point qu’il est important d’inclure dans nos comportements quotidiens, car comme disait le poète « If you wanna make the world a better place, Take a look at yourself, and then make a change ». Oui, oui, je viens bien de citer Michael Jackson.

Ce point est qu’il faut encourager nos filles. Je suis le fier papa d’une grande fille de 12 ans et croyez-moi, je ne suis pas toujours à la hauteur. Le fait est que j’ai toujours en tête qu’il faut que je protège ma fille de tous les dangers imaginables. Comme si elle était en sucre. J’ai toujours été à moins de 50 cm d’elle au parc. On ne sait jamais elle pourrait tomber. Encore aujourd’hui, je frémis quand je la vois faire des acrobaties entre les meubles de la maison. Je vous passe les autres anecdotes dont je ne suis pas fier. Est-ce que je m’inquièterais autant si c’était un garçon ? Je suis sûr que non. Or quel signal est-ce que j’envoie à ma fille par mon comportement ? C’est simple, je lui dis qu’elle ne doit prendre aucun risque, qu’elle doit choisir toujours la voie la plus sûre. Si je m’étais appliqué cette règle de vie, je n’aurais certainement pas tenté l’aventure de l’entrepreneuriat. J’aurai ainsi raté l’expérience professionnelle la plus intense, la plus euphorisante qui soit. Il va de soi que je veux que ma fille ne se censure pas, si un jour elle a une bonne idée et a envie de tenter l’aventure entrepreneuriale. Conclusion, je me soigne, je fais des efforts pour ne plus frémir, pour avoir l’air complètement détaché et pour encourager ma fille à tenter des choses, pour lui dire qu’un échec, ce n’est pas grave, c’est juste une leçon à apprendre.

Maintenant, quand je regarde autour de moi, je vois plein de parents, hommes et femmes, qui envoient ce genre de signaux à leurs filles. En un sens c’est rassurant pour moi, mais hélas cela montre que notre société a encore quelques verrous à faire sauter. D’autres parents vont même plus loin et cantonnent leurs filles ET leurs garçons dans des rôles de genre : une fille doit se comporter ainsi, une fille ne doit pas faire cela, un garçon doit être fort... C’est le plus souvent inconscient et implicite et rien à faire, les rayons jouets des supermarchés ont généralement encore un rayon de jouets pour fille et un rayon de jouets pour garçon. S’ils le font, c’est aussi parce que les clients répondent favorablement à cela. Rien n’est fait au hasard dans un supermarché.

Alors j’ai la chance d’avoir épousé une psy très compétente avec qui j’ai appris deux ou trois choses importantes sur moi-même et à détecter quelques-uns des déterminismes socio-culturels qui ont tendance à conditionner mes choix. Ce n’est pas le cas de tout le monde et je pense que nous devons tous, chacun à notre niveau, prendre conscience, réellement, que nos filles sont capables de tout faire. Je parle bien sûr d’une prise de conscience dans nos familles, dans nos écoles et dans nos entreprises. La première pierre, c’est toutefois à nous de la poser, chacun pour soi-même.

Cela nous permettra d’encourager nos filles comme nous le faisons avec nos garçons et donc de les libérer le plus possible pour qu’elles puissent accomplir le destin qu’elles se choisiront.

Mesdames et Messieurs, voilà le bref message que je voulais transmettre ce soir. Je souhaiterai conclure en félicitant moi aussi les deux lauréates de cette année et remercier la BIL, entreprise labellisée ESR je souhaitais le souligner, pour cette initiative très réussie de promotion de l’entrepreneuriat innovant féminin.

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