Rifkin = la fin des syndicats ?
(carte blanche publiée sur Paperjam.lu le 30 avril 2016)
Avant
qu’on ne me tire dessus à boulets rouges pour cette provocation risquant de
compliquer encore plus un dialogue social déjà à l’agonie, je tiens à rappeler
que l’UEL est également un syndicat (patronal, certes). Et pourquoi alors mêler
ce pauvre Monsieur Rifkin à cette épineuse question ? Parce ce que si ce
qu’il nous annonce est vrai, c’est une conclusion à laquelle nous finirons
probablement par arriver. Et puis parce que c’est à la mode, voilà.
En effet, notre nouvel ami américain
a écrit un livre intitulé « End of Work : The Decline of the
Global Labor Force and the Dawn of the Post-Market Era ». Dans cet ouvrage, il
n’annonce finalement pas la fin du travail. Il explique simplement que ce
dernier connaît une double évolution : d’une part vers des emplois très
qualifiés et bien rémunérés, et d’autre part vers des emplois peu qualifiés et
peu payés. Et au milieu, il ne resterait plus grand chose. Comme cela menace
nos sociétés, notamment judéo-chrétiennes, très structurées par le travail, Rifkin
estime qu'il faudrait réduire le temps de travail et créer des occupations dans
le secteur non-marchand susceptible de distraire les gens, avant que, lassés de
s’ennuyer à ne rien faire, ils n’aient l’idée de vouloir poser des problèmes. Or
s’il n’y a plus de travail « marchand », il n’y aura plus besoin de
syndicats de « salariés » et plus d’UEL non plus. L’UEL aborde
probablement cette vision avec plus de sérénité que ses camarades de l’autre
bord.
Mais
Rifkin n’a pas écrit qu’un seul livre et celui, postérieur, sur la 3e
révolution industrielle vient renforcer l’idée d’une fin du travail. La
production et le stockage décentralisé d’énergie amèneront nécessairement une
réorganisation de la production industrielle sur le même schéma. Fini les
grandes usines avec des milliers de salariés. C’est là que la 4e
révolution industrielle prendra le relai avec ses imprimantes 3D ou la
robotisation de nombreuses activités jusqu’alors réservées à des salariés.
Le
coup de grâce pour le travail tel que nous le connaissons actuellement viendra
alors par les changements sociétaux qui sont déjà en marche. La mode de
l’auto-entrepreneuriat n’est pas passagère et le travail qui restera réservé
aux êtres humains se fera de plus en plus sous cette forme. Pourquoi ?
Parce qu’il permet une liberté plus grande de travailler comme on veut, sans
chef pour donner des ordres, sans syndicat pour dicter si on doit prendre des
congés ou si on préfère des heures sup. Certes les risques de cette forme de
travail sont souvent sous-estimés. Les premières générations de ces nouveaux
indépendants se sont parfois réveillées avec une gueule de bois en se rendant
compte qu’ils avaient oublié de s’assurer correctement. Mais le système social
finira bien par s’adapter à ces nouveaux modes de travail.
Le
salariat ne disparaîtra toutefois pas complètement à moyen terme, ne serait-ce
que pour certaines grandes activités humaines qui nécessiteront encore ce
modèle (p.ex. lancer des fusées vers Mars ou plus loin exigera encore longtemps
une organisation de ce type). Toutefois, il n’y aura plus de masses
laborieuses. Et sans masses laborieuses plus d’OGBL ni d’LCGB. Plus d’UEL. Que
ferons nos enfants et petits-enfants alors le 1er Mai ? Ils
commémoreront le travail, peut-être.
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