Tout et son contraire
(Carte blanche parue sur Paperjam.lu le 24 octobre 2015)
Et
vice versa ? C’est parfois l’impression que j’ai en assistant aux débats,
publics ou non, sur la nécessaire évolution du monde du travail. Cette
nécessité diffère évidemment selon le point de vue.
Les
syndicats défendront traditionnellement l’idée que le travail ne doit pas
aliéner l’homme. Pour faire simple, le message est aujourd’hui que le travail
ne doit aucunement interférer avec l’organisation du temps libre de chacun. Les
représentants des entreprises seront quant à eux d’avis que tout réconfort ne
saurait arriver qu’après effort, en d’autres termes : Travaille d’abord et
tu auras un salaire et des congés. Quant au gouvernement, cela dépend un peu
des pays, mais actuellement au Luxembourg, il tend franchement à vouloir donner
satisfaction aux syndicats de peur qu’ils ne se fâchent tout rouge en arrêtant
de respirer (voir Astérix en Hispanie pour une étude plus approfondie de cette
méthode de négociation).
A la
base, nous constatons pourtant tous ensemble que le monde du travail a changé
et qu’il ne va certainement pas s’arrêter en si bon chemin. Les générations Y
et Z sont certes passées par là et le salaire, la voiture de fonction et les
congés aux Baléares ne les motivent plus vraiment. La work-life balance et la quête de sens sont donc apparues et c’est
une bonne chose. Le raccourci qui est souvent emprunté pour décrire ce
phénomène est « qu’il n’y a pas que le travail dans la vie ». Certes.
Le
travail reste toutefois à ce jour encore une valeur centrale de l’organisation
de nos sociétés occidentales. Combien de temps encore ? jusqu’au Grand
Soir ? Non, plutôt jusqu’à la 3e voire 4e révolution
industrielle. Ce qui est certain c’est que sur la route qui nous y mène et qui
sera plus ou moins longue, il faudra s’adapter et ce du côté des entreprises et
du côté des salariés… qui se trouvent être également les consommateurs
ultra-exigeants des premières. En attendant que la Sharing Economy et les robots n’allègent notre fardeau en
transformant le labeur en loisir, il faut assurer une transition en douceur
vers ces nouveaux mécanismes sociétaux.
Les
salariés demandent plus de flexibilité dans la gestion de leurs horaires et les
entreprises souhaitent plus de flexibilité pour satisfaire les poussées (et
accalmies) de besoins de leurs consommateurs, aka salariés. Cette situation
n’est pas un problème, mais nous montre que la solution est à portée de
mains : les deux parties veulent la même chose et il est possible de
s’entendre. De nombreuses entreprises ont d’ailleurs trouvé des accords avec
leurs salariés pour que tous y retrouvent leur compte.
Il
n’y a que des centrales nationales déconnectées du terrain pour penser que l’on
peut imposer des règles uniformes à toutes les entreprises, voire à tous les
secteurs. Le plan d’organisation du travail (alias POT) est l’un de ces
dinosaures aveugles du management d’entreprise. Les syndicats s’acharnent à
défendre le droit du salarié à pouvoir organiser sa vie privée et que pour ce
faire il doit savoir un mois à l’avance son horaire de travail. Ils vont même
jusqu’à remettre en cause l’horaire mobile que tant de salariés apprécient pour
sa souplesse ! Or la société a changé aussi et de moins en moins de gens
savent ce qu’ils vont faire de tous leurs WE un mois à l’avance. Un instrument
tel que le POT devient alors également une contrainte pour eux, s’ils ne
peuvent p.ex. pas saisir le vol vers Barcelone A/R à 99 euros pour le WE
prochain…
Bref,
on ne peut pas organiser le temps de travail d’aujourd’hui avec des idées et
des contraintes qui datent du siècle précédent. Les entreprises qui réussissent
sont celles qui savent créer de la valeur partagée avec toutes leurs parties
prenantes, dont font partie leurs salariés. Faisons donc confiance aux
entreprises et aux entrepreneurs pour gérer cette évolution au lieu de les
juger coupables de toutes les mauvaises intentions.
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