Trop d'impôt, tue le robot

(Carte blanche parue sur Paperjam.lu le 7 avril 2017)

C’est devenu la tarte à la crème des réseaux sociaux : pour sauver notre monde du travail, il faut taxer les robots. Et de partager une vidéo de Bill Gates évoquant cette possibilité. Et de nous sortir un récent prix Nobel d’économie pour soutenir l’idée. Le tout avec paperjam.lu qui titre sur le soutien que cela apporte à Mady Delvaux. Cette dernière, dans une interview avec René Winkin dans le Paperjam du moment, semble d’ailleurs démentir que son rapport ait jamais recommandé l’idée : « Le rapport ne demande pas qu'on introduise une taxe sur les robots ni un revenu universel. Il dit : on ne sait pas ce qui va se passer en matière d'emploi. »

Cette idée de taxer les robots est tout simplement LA fausse bonne idée. Simpliste à souhait, populiste selon l’usage qu’on lui donne et parfaitement irréalisable en pratique sans entraîner une ribambelle de conséquences plus ou moins désastreuses pour ceux qu’on voulait protéger.

Première question : qu’est-ce qu’un robot ? Est-ce l’humanoïde doté de quasi-sentiments vu dans Blade Runner ou le robot à l’intelligence supérieure d’Asimov ? Ou alors parle-t-on d’un bras automatisé dans une usine ? Et quid des chatbots, ces logiciels présents sur de plus en plus de sites web et qui sont capables de répondre sans intervention humaine à une première série de questions de tout client potentiel venant sur le site ? Dans ce contexte, on notera que notre ami Bill Gates, avec sa suite Office, a mis au chômage des millions de secrétaires chevronnées en dactylographie... Bref, la définition de ce qu’est un robot promet des débats intéressants pour les années à venir.

Mais admettons : taxons les robots. Il va de soi que le Luxembourg ne pourra pas procéder de la sorte seul. Donc admettons en plus, en faisant un effort d’imagination, que nous trouvions un accord au niveau de l’Union européenne. OK et maintenant deuxième question : comment convaincre tous les pays tiers de faire de même ? Le minimum serait de convaincre le G20 de prendre une résolution forte à ce sujet, mais il faut être lucide et ne pas s’attendre à un miracle car trop d’intérêts divergents sont en jeu. Les grandes puissances économiques à la population vieillissante ont besoin d’une robotisation accrue (exemple-type le Japon). Les pays qui ont une avance technologique vont tout faire pour la maintenir (qui a dit USA ?). Les pays émergents y verront une chance de rattraper leur retard. Donc ceux qui taxeront les robots n’auront tout simplement pas de robots.

Au lieu de les taxer, je pense qu’il faudrait au contraire les subventionner et soutenir plus fortement la recherche, entre autres, de Patrice Caire au sein de notre université nationale. Il faut surtout continuer à former nos salariés pour qu’ils puissent utiliser le potentiel de ces robots en tous genres et libérer leur force de travail pour accomplir des tâches à plus forte valeur ajoutée ou qui requièrent des aptitudes sociales inaccessibles aux robots pour encore un moment. Depuis le début de l’ère industrielle, la machine a toujours libéré l’homme de tâches dangereuses et/ou ingrates. Aujourd’hui elle permet déjà de commencer à relocaliser des sites de production en Europe et même au Luxembourg. La robotisation mécanique et logicielle devrait maintenant aller au-delà et augmenter l’être humain en lui épargnant même des tâches intellectuelles. Est-ce vraiment si effrayant ? Je ne crois pas, car nous touchons à nos propres limites et ne parvenons plus à former suffisamment d’ingénieurs ou de médecins pour ne citer qu’eux. Personnellement, je ne vais ainsi pas tarder à me trouver plus rassuré par un diagnostic médical assisté par Watson que par celui d’un être humain seul. Et vous ? 

Commentaires

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